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The Good, the Bad and the Leaver : les clés pour comprendre les enjeux des clauses de leaver

Dans le pacte d’actionnaires, voire dès la rédaction du termsheet (cf. l’article La négociation d’un termsheet de levée de fonds : quelques insights), la clause de good/bad leaver suscite généralement une grande incompréhension de la part des fondateurs et donc des sueurs froides. Cette clause est en effet une promesse de vente sur – en règle générale – l’intégralité (!) de leurs titres de la société en cas de cessation de leurs fonctions. En comprendre la logique et ce qu’elle recouvre est donc important afin de bien les négocier.

Le prix des titres qui seront ainsi rachetés est l’un des éléments clés. Il est en principe un prix de marché. Mais il peut faire l’objet d’une décote en cas de démission fautive, d’une révocation ou d’un licenciement pour faute, ou encore d’une violation des engagements de non-concurrence et d’exclusivité pris par les fondateurs dans le pacte, ces cas étant appelés bad leaver. Les autres cas de cessation de fonctions, par exemple en cas d’accident de la vie, sont à l’inverse appelés good leaver.

# 1 – Pourquoi cette clause est-elle nécessaire aux yeux d’un investisseur ?

Prenant une participation minoritaire dans la société, l’investisseur s’en remet à la gestion des fondateurs qui gardent une place prépondérante dans le capital de la société. La pérennité de la composition du groupe des fondateurs est donc primordiale dans sa décision d’investir dans la société sur la base d’une certaine valorisation. Ce, d’autant que les personnalités, compétences et talents des fondateurs auront nécessairement pesé sur cette valorisation et cette décision d’investissement.

La préoccupation de l’investisseur est donc que chacun des fondateurs fournisse une contribution durable et exclusive à la société. En réalité, cette préoccupation est partagée par tous les actionnaires ! Les fondateurs eux-mêmes voient souvent comme une véritable trahison le départ de la société d’un des leurs, pour développer par exemple un autre projet et qui profiterait alors indûment de la création de valeur par les fondateurs restés actifs dans la société.

La clause de bad leaver avec son prix décoté apparaît alors comme une menace crédible et dissuasive de toute faute le déclenchant.

# 2 – Mais s’il est ainsi aisé de comprendre la logique de la clause de bad leaver, comment analyser celle de good leaver qui s’applique dans les cas de cessation non-fautive de fonctions ?

Il s’agit essentiellement d’un sujet de gouvernance. Le poids politique du fondateur devenu inactif doit pouvoir en effet être partiellement ou totalement réduit. L’idée de la clause est donc aussi d’aligner la géographie du capital détenue par le bloc des fondateurs sur leur situation réelle dans la gouvernance, peu important la raison de leur départ.

La question des bénéficiaires de la promesse de vente des titres du fondateur concerné se pose alors tout particulièrement. Deux conceptions coexistent ici, mais elles ont pour point commun la présence systématique de l’investisseur en tant que bénéficiaire de la promesse de vente.

La première est fondée sur la notion de dédommagement de la perte de valeur de la société subie par l’investisseur du fait du départ d’un des fondateurs. Cette conception fait ainsi de l’investisseur l’unique bénéficiaire de cette clause alors relutive.

La seconde, fondée sur la notion de géographie du capital, place les fondateurs restés actifs aux côtés de l’investisseur en tant que bénéficiaires de la clause, la répartition des titres entre eux se faisant au prorata de leur participation dans le capital. Dans cette hypothèse, l’investisseur sert notamment à garantir l’efficacité du mécanisme car il est parfois le seul à disposer de liquidités suffisantes pour racheter la participation du fondateur concerné, quitte à rétrocéder cette participation par la suite ou se substituer tout nouveau dirigeant ou cadre amené à remplacer le fondateur concerné dans ses fonctions.

Par ailleurs, l’expérience a montré des cas d’alliances malveillantes entre certains fondateurs pour en révoquer ou licencier d’autres, exercer la promesse de vente contre eux et ainsi se reluer à moindre frais. En réaction à ces comportements, la pratique a conçu des mécanismes de promesses de vente qui ne peuvent être exercées que si l’investisseur l’exerce lui-même, protégeant dès lors les fondateurs de toute forme de « cannibalisme » entre eux.

En pratique, la discussion sur la clause de good/bad leaver se limitera généralement à la durée du mécanisme, la décote du bad leaver – dégressive au fil du temps, et la question des bénéficiaires de la clause.

Il n’existe cependant pas d’approche unique de la clause de good/bad leaver. The Galion Project propose ainsi par exemple une clause de leaver sans décote avec une approche exclusivement temporelle, exception faite du cas de cessation de fonctions causé par une faute lourde (i.e. avec l’intention de nuire à la société).

A noter enfin que la clause de good/bad leaver concernant des salariés devra faire l’objet d’un soin rédactionnel tout particulier, afin de ne pas violer le principe de prohibition des sanctions pécuniaires à l’encontre des salariés, principe ne s’appliquant par définition pas aux mandataires sociaux.