• Français
  • Anglais

Les clauses de ratchet

Dans le cadre d’un tour de table, il est possible que les investisseurs exigent la mise en place d’un mécanisme de ratchet, afin d’assurer la correction de la valorisation de leur participation en cas d’opération dilutive ultérieure à un prix inférieur au prix du tour initial. Pour appréhender ce sujet, un peu technique, sans trembler, il est nécessaire d’en connaître les grands principes.

De quoi s’agit-il ?

L’idée de départ est simple. Un investisseur qui souscrit à un prix unitaire de 100 euros par action verrait d’un mauvais œil que le prochain tour se réalise sur la base d’un prix unitaire de 50 euros par action, traduisant ainsi la perte de la moitié de son investissement initial. Dans une telle hypothèse, l’investisseur souhaitera se reluer (i.e. obtenir des actions nouvelles) sans coût supplémentaire, ou pour un prix de souscription des actions nouvelles très limité, afin de ramener son prix de souscription moyen au prix du nouveau tour ou a minima de le réduire à un prix inférieur à son prix de souscription initial.

Comment fonctionne un ratchet ?

Il existe principalement deux moyens juridiques pour mettre en place un ratchet :

  • soit par l’émission de bons de souscription d’actions (dits BSA ratchet), qui seront attachés aux actions souscrites par les investisseurs et qui leur permettront en cas d’opération dilutive de souscrire à leur valeur nominale un nombre d’actions nouvelles déterminé conformément à une formule ;
  • soit par un mécanisme de conversion des actions souscrites initialement par les investisseurs en un nombre supérieur d’actions nouvelles déterminé conformément à une formule. Ce mécanisme n’étant possible qu’en cas d’émission d’actions de préférence dont les droits sont définis statutairement.
Quelles sont les différentes formules de ratchet ?

Il existe trois formules, plus ou moins dilutives, sur lesquelles il est conseillé de se mettre d’accord dès la rédaction du termsheet :

  • le full-ratchet, qui est la formule la plus dilutive. Elle permet de ramener le prix moyen de souscription des actions des bénéficiaires du ratchet au prix du nouveau tour ;
  • le narrow-based weighted average ratchet, qui permet de ramener le prix moyen de souscription des actions des bénéficiaires du ratchet à une moyenne pondérée du prix du premier tour et du prix du nouveau tour (calculée sans tenir compte des actions émises antérieurement au premier tour) ;
  • le broad-based weighted average ratchet, qui est la formule la moins dilutive dans la mesure où, à la différence du narrow-based weighted average ratchet, la moyenne pondérée est calculée en tenant compte des actions émises avant le premier tour (ce qui a pour effet de surpondérer le prix payé au premier tour).

Ainsi, en supposant une émission en 2017 de 500 actions nouvelles à un prix de 18 euros par action (à chacune desquelles est attaché un BSA ratchet), dans une société dont le capital est composé de 3.000 actions existantes d’une valeur nominale de 1 euro chacune, puis une nouvelle émission en 2018 de 500 actions à un prix de 16 euros, le prix ajusté par action serait :

  • en cas de full-ratchet : 16 euros (soit le prix du nouveau tour)
  • en cas de narrow-based weighted average ratchet : 17 euros (soit la moyenne pondérée entre 500 actions émises à 18 € et 500 actions émises à 16 €)
  • en cas de broad-based weighted average ratchet : 17,75 euros (soit la moyenne pondérée entre un total de 3.500 actions valorisées à 18 € chacune et 500 actions émises à 16 €)

Une fois ce prix moyen ajusté (Pm) déterminé, les BSA ratchet vont permettre d’atteindre ce prix par une émission d’actions nouvelles au nominal.

Ainsi, chaque BSA ratchet donnerait droit de souscrire à un nombre d’actions déterminé par application de la formule suivante :

(P1 – Pm) / (Pm – P0)

P1 = prix du premier tour (soit 18 € dans l’exemple)

Pm = prix moyen ajusté (soit 16 €, 17 € ou 17,75 € dans l’exemple)

P0 = valeur nominale des actions (soit 1 € dans l’exemple) (étant précisé que P0 a vocation à neutraliser le montant du nominal qui devra être payé lors de l’émission des actions nouvelles résultant de l’exercice des BSA ratchet).

En conséquence, chaque BSA ratchet donnerait droit de souscrire à : 0,13 ; 0,06 ou 0,01 action supplémentaire au nominal (selon le type de ratchet), ce qui donnerait après exercice des 500 BSA ratchet : 65, 30 ou 5 actions supplémentaires. En divisant le prix de revient des 500 actions du premier tour et des actions supplémentaires émises sur exercice des BSA ratchet, on retrouve bien le prix moyen ajusté (Pm).

Quelles limitations à l’exercice d’un ratchet ?

Pour pouvoir calculer, conformément au Code de commerce, le montant de l’augmentation de capital maximum pouvant être réalisée sur exercice du ratchet, il est nécessaire de prévoir un plafond maximum (par ex. : chaque BSA ratchet donnera droit au maximum à 10 actions nouvelles).

L’exercice du ratchet est également soumis à une durée d’exercice dans le temps (le plus souvent entre deux et cinq ans).

Enfin, il est possible de prévoir que le ratchet ne sera exerçable par son bénéficiaire qu’à la condition que ce dernier participe à l’opération dilutive donnant droit à l’exercice du ratchet, à hauteur au moins de sa quote-part du capital, à défaut le droit de ratchet étant perdu proportionnellement (mécanisme dit de pay to play).

***

L’effet potentiellement extrêmement dilutif d’un ratchet peut être inquiétant pour un fondateur. Néanmoins, en réduisant le risque pris par les investisseurs, il peut faciliter l’acceptation par ces derniers d’une valorisation pre-money de la société plus élevée. En outre, une bonne compréhension des mécanismes de ratchet permet d’en négocier les termes de manière plus pertinente et de réduire in fine le risque de dilution.