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A l’occasion d’un tour de table, le prix par action payé par les investisseurs est supérieur à celui que vous aviez payé lors de la constitution de votre société. Cette situation justifie l’existence de clauses de répartition préférentielle du prix lors de la cession de votre entreprise. Il est généralement difficile de s’y opposer mais vous devez en comprendre la logique pour bien les négocier.

De quoi parle-t-on ?

En cas de cession de votre société, les clauses de répartition préférentielle du prix de cession permettent à certains de vos investisseurs de percevoir dans certains cas une partie du prix de cession en priorité par rapport à d’autres investisseurs ou à vous. Ainsi, la répartition du prix de cession ne sera pas proportionnelle à la détention du capital, les investisseurs pouvant se voir attribuer une proportion du prix de cession supérieure à la proportion d’actions qu’ils détiennent.

Pourquoi ?

Ces clauses ont été créées par la pratique afin de corriger une problématique inhérente au venture capital liée à la disparité de prix de revient qui existe notamment entre les fondateurs qui ont souscrit les actions pour leur valeur nominale et les différents investisseurs qui ont dû s’acquitter d’un prix par action plus important.

Ce différentiel de prix de revient conduit à :

  • Une répartition inégale du risque entre les associés
  • Une espérance de gain différente entre les associés

En conséquence de quoi, un désalignement d’intérêts apparait entre les associés alors même que ceux-ci vont devoir à terme se mettre d’accord pour faire aboutir un processus de sortie.

Prenons l’exemple de la société Croissance dont le capital est réparti de la manière suivante :

Titre % de détention Prix de revient total
Fondateurs 30 000 30% 30 000 €
Investisseurs 70 000 70% 350 000 €

En cas de cession de 100% du capital sans qu’aucun mécanisme de répartition préférentielle n’ait été prévu, le prix de cession sera réparti de la manière suivante :

Prix de cession (100%)   300 000 €   500 000 €   700 000 €
  Répartition du prix % du prix Plus/moins value Répartition du prix % du prix Plus/moins value Répartition du prix % du prix Plus/moins value
Fondateurs 90 000 € 30 % 60 000 € 150 000 € 30 % 120 000€ 210 000 € 30 % 180 000 €
Investisseurs 210 000 € 70 % – 140 000 € 350 000 € 70 % 0 € 490 000 € 70 % 140 000 €
  • La répartition du prix est toujours proportionnelle à la détention du capital ;
  • En cas de cession à un prix inférieur à 500 000 euros, les investisseurs vont constater une moins-value alors même que les fondateurs constateront eux une plus-value ;
  • En cas de cession à un prix de 700 000 euros, les fondateurs et les investisseurs réaliseront une plus-value mais ces derniers ne constateront qu’un multiple d’investissement de 1,4 alors que les fondateurs constateront un multiple d’investissement de 7.

Il y a donc bien un désalignement d’intérêts flagrant ce qui peut conduire à ce que les fondateurs souhaitent une sortie prématurée ou à un prix jugé insuffisant pour les investisseurs.

Comment résoudre le désalignement d’intérêts entre les associés ?

Pour résoudre le désalignement d’intérêts, on peut recourir à une clause de répartition préférentielle du prix de cession au bénéfice des investisseurs. Il en existe deux grandes catégories :

  1. La préférence dite non cumulative (« non-participating »)
  2. La préférence dite cumulative (« participating »)

Voici dans quel ordre se répartit le prix de cession selon ces deux types de clause de répartition préférentielle :

  • 1er Rang : chaque actionnaire récupère le nominal de ses actions
  • 2ème Rang : les investisseurs récupèrent le montant total investi par eux moins le nominal perçu au rang 1
  • 3ème Rang :
    • Dans l’hypothèse d’une clause « non-participating »  : le reliquat du prix après paiement des rangs 1 et 2 est réparti entre les fondateurs uniquement au prorata ; ou
    • Dans l’hypothèse d’une clause « participating »  : le reliquat du prix après paiement des rangs 1 et 2 est réparti entre tous les actionnaires (fondateurs et investisseurs) au prorata.

En tout état de cause, les investisseurs bénéficiaires de la préférence peuvent renoncer à l’application de la clause et opter pour une répartition exclusivement au prorata. Ainsi, en pratique, les clauses « non-participating » ne jouent que pour des prix de cession où le prix moyen par action cédée est inférieur au prix de revient des investisseurs.

Quels sont les effets de ces différentes clauses de répartition préférentielle ?

1. Les clauses dite « non-participating »

Avec les clauses dites « non-participating », la correction du désalignement d’intérêts est a minima en permettant seulement aux investisseurs de récupérer leurs mises en priorité. Au-delà d’un certain prix de cession, on revient à une répartition du prix proportionnel au capital.

Ainsi, dans l’hypothèse d’une clause « non-participating« , l’allocation du prix de cession entre les fondateurs et les investisseurs serait la suivante :

 

  • A un prix de cession  de 300 000 euros, les investisseurs captent 90% du prix de cession afin de neutraliser au maximum la moins-value constatée ;
  • Jusqu’à 500 000 euros, la répartition du prix n’est pas proportionnelle à la détention du capital ;
  • A partir d’un prix de cession de 500 000 euros, la répartition du prix de cession est strictement proportionnelle à la participation au capital. Les fondateurs ont pu rattraper les investisseurs.

2. Les clauses « participating »

Les clauses dites « participating » sont plus favorables aux investisseurs dans la mesure où, en plus de la priorité qui les protège en cas de cession à un prix très bas, ils percevront un montant proportionnel à leur capital sur le surplus.

Ainsi, dans l’hypothèse d’une clause « participating », la répartition sera la suivante :

 

  • Le seuil de rentabilité des investisseurs est le même que dans l’hypothèse d’une clause  « non-participating » (380 000 euros) ;
  • Les investisseurs captent une grande partie du prix de cession. En plus de récupérer le montant investi, les investisseurs touchent, sur le reliquat du prix de cession post distribution de la préférence, un montant correspondant à leur quote-part dans le capital. Contrairement à la clause « non-participating« , les fondateurs ne pourront pas rattraper les investisseurs.

3. Les variantes 

Il est possible d’aménager ces clauses dans l’avantage des fondateurs ou des investisseurs.

Aménagement en faveur des fondateurs : en lieu et place du remboursement du nominal, il est possible de prévoir que les fondateurs et les investisseurs toucheront en rang 1, c’est-à-dire avant le paiement de la préférence, pour chaque action cédée, une même proportion du prix de cession (généralement 5% ou 10%). Cet aménagement est de plus en plus fréquent.

Aménagement en faveur des investisseurs, le multiple : il s’agit d’un aménagement de la formule non cumulative qui permet aux investisseurs de recevoir en rang 2 non pas simplement leur investissement diminué de la valeur nominale de leurs actions perçue en rang 1 mais un multiple de leur investissement. Ce qui peut sembler très favorable peut se justifier si la valorisation d’entrée a été considérée comme spéculative.

***

De la plus simple à la plus avantageuse pour les investisseurs, les clauses de répartition préférentielle du prix de cession répondent à la nécessité d’aligner les intérêts des actionnaires d’une start-up en prévision de la sortie. Il s’agit en conséquence d’un sujet d’attention particulier : les fondateurs ont un certain intérêt à en accepter le principe pour rassurer les investisseurs mais ils devront être attentifs lors de leur négociation car les rédactions de ces clauses sont souvent complexes.